lundi 20 juin 2011

La presse internationale s'interroge sur l'intervention en Libye

La presse internationale s'interroge sur l'intervention en Libye

En l'espace de 24 heures, dimanche 19 juin, l'OTAN a reconnu deux "bavures" en Libye , l'une sur des civils à Tripoli et l'autre sur des forces rebelles.

Combien cela coûte-t-il aux contribuables des pays impliqués de bombarder la Libye ? Le quotidien The Guardian affiche en "une" de son site les questions qui taraudent les alliés : celle de la légitimité et celle du coût de leur intervention en Libye. Trois mois après le début des frappes aériennes, le 19 mars, l'OTAN a accusé, entre samedi 18 et dimanche 19 juin, deux bavures en l'espace de vingt-quatre heures. Des incidents qui peuvent "remettre en question l'opération de l'OTAN en Libye, notamment chez les membres de l'OTAN qui n'ont jamais approuvé l'opération", souligne la télévision britannique BBC tandis que presses française et internationale évoquent le spectre de l'enlisement.

"Les chefs d'état-major de l'air comme de la marine [français] tirent (...) la sonnette d'alarme", affirme Le Parisien. "Si la guerre se prolonge encore plus que de raison, ils auront rapidement des problèmes de 'ressources humaines' et de 'régénération des forces et du matériel'", relaie le journal, qui chiffre le coût de l'opération en Libye pour la France à plus de 87 millions d'euros en trois mois.

MANQUE DE TRANSPARENCE

Pour les médias outre-Manche, cette addition demeure compliquée à établir. Dans un récit à la première personne, un journaliste du Guardian témoigne de l'impossibilité d'obtenir une réponse claire des autorités, de la défense au Trésor en passant par le ministère des affaires étrangères. "Et cela, de la part d'un gouvernement qui se targue, sur le site Internet de Downing Street, d'être 'le plus ouvert et transparent du monde'", critique le quotidien.

Le journal s'en remet à une évaluation datant du mois de mai, qui cite des experts de la défense et des analystes de données : le coût de l'intervention pourrait s'établir entre 400 millions de livres (454 millions d'euros) et 1 milliard de livres (1,13 milliard d'euros). Des dépenses qui font débat en temps de restriction budgétaire. Selon certaines estimations, "ce que paie le contribuable britannique pour bombarder Kadhafi pendant six mois est l'équivalent de quatre fois la réduction dans le budget dédié à la culture".

AUX ÉTATS-UNIS, GUERRE OUVERTE ENTRE LE CONGRÈS ET OBAMA

Aux Etats-Unis, le coût des bombardements apparaît clairement dans un rapport de la Maison Blanche publié par le New York Times : le 30 septembre 2011, il devrait s'élever à 1,1 milliard de dollars (772 millions d'euros). Au-delà de ces sommes, c'est la légalité de l'action qui fait question : le Congrès fustige le président Barack Obama, qui était passé outre l'avis des parlementaires pour intervenir militairement en Libye. Selon le quotidien, le chef de l'Etat américain aurait même "ignoré l'opinion des plus hauts avocats au Pentagone et au ministère de la justice lorsqu'il a décidé qu'il pouvait légalement poursuivre la participation américaine à la guerre aérienne en Libye". Un texte voté en 1973 stipule, en effet, qu'en l'absence de l'autorisation du Congrès le retrait des troupes d'un conflit doit être achevé après quatre-vingt-dix jours, décompte atteint dimanche 19 juin. Le président de la Chambre des représentants, sous contrôle républicain, John Boehner a d'ailleurs menacé, jeudi 17 juin, de s'en prendre au financement de l'opération.

Mais l'opération de l'OTAN brouille les lignes partisanes aux Etats-Unis et risque de diviser les membres du Congrès lors du vote attendu cette semaine sur une limitation de l'investissement militaire américain dans le pays. D'un côté se trouvent "les démocrates contre la guerre et les Républicains agacés par l'usurpation de l'autorité du Congrès" et de l'autre "les démocrates fidèles au président et les faucons du Parti républicain qui défendent le rôle des Etats-Unis en Libye", explique le New York Times.

Dans une tribune acerbe publiée dans le Washington Post, George F. Will ne questionne pas le coût de l'intervention mais sa légitimité : "Ça devait être une affaire de jours, pas de semaines, mais l'on entre dans le quatrième mois et l'OTAN s'est révélé une organisation militaire de plus en plus fallacieuse." Et le chroniqueur de prédire : "Et maintenant quoi ? Davantage d'improvisations incompétentes pendant de nombreux mois encore."