dimanche 17 avril 2011

La Côte d'Ivoire envisage l'apaisement

La Côte d'Ivoire envisage l'apaisement

Si le retour à la normale complet n'est pas encore prévu à Abidjan, les tensions commencent à s'effacer.

En attendant une éventuelle réconciliation franche et durable, les Ivoiriens entrevoient l'apaisement des tensions, moins d'une semaine après la chute de Laurent Gbagbo. Samedi 16 avril, les deux camps qui se sont affrontés pendant les cinq mois qu'a duré la crise électorale – dénouée au terme de dix jours de guerre civile à Abidjan – ont donné des signes encourageants quant à leur volonté de tourner la page des violences.

Le camp du président sortant, d'abord, a appelé dans la soirée à la réconciliation. "Nous devons arrêter l'escalade de la violence et de la déchéance", a déclaré Pascal Affi N'Guessan, président du Front populaire ivoirien (FPI), accompagné notamment d'Alcide Djédjé, ex-ministre des affaires étrangères de M. Gbagbo. "Au nom de la paix, arrêtons la guerre", a poursuivi M. Affi, appelant aussi à libérer les personnes arrêtées, dont M. Gbagbo, afin qu'il prenne "part à la réconciliation nationale".

70 PROCHES DE GBAGBO LIBÉRÉS

Un appel en partie entendu – et probablement négocié – par le nouveau pouvoir, qui a annoncé quelques minutes plus tard la libération de près de 70 personnes arrêtées lundi en même temps que Laurent Gbagbo. Un total de "120 personnes environ" avaient été arrêtées à la résidence présidentielle et amenées à l'hôtel du Golf, QG de M. Ouattara, a déclaré le ministre de la justice, Jeannot Ahoussou Kouadio, sur la chaîne de télévision TCI. Parmi elles, "trente" membres de sa famille, dont ses petits-enfants, ont été "conduits aujourd'hui à une destination que nous gardons comme confidentielle", a-t-il poursuivi. "Des employés de maison", notamment ses cuisinières et jardiniers, qui "étaient au nombre de trente-huit", sont également "partis". M. Gbagbo se trouve quant à lui depuis mercredi en résidence surveillée dans le nord du pays, tandis que son épouse Simone demeure à l'hôtel du Golf.

Charles Blé Goudé, personnage clé du régime défait, fait toujours l'objet d'intenses spéculations, son camp affirmant qu'il était "en lieu sûr", après avoir été un temps dit arrêté par les FRCI. Il n'a pas été arrêté et se trouverait en "lieu sûr", a déclaré à l'AFP à Paris un conseiller de Laurent Gbagbo, Toussaint Alain. De nombreuses rumeurs ont circulé quant au sort de Charles Blé Goudé, chef des Jeunes patriotes et ministre de la jeunesse du président déchu.

Les caciques de l'ancien régime devront toutefois répondre de leurs actes. Le ministre de la justice, Jeannot Ahoussou Kouadio, a déclaré dimanche qu'il allait saisir le procureur d'Abidjan pour ouvrir des enquêtes contre les personnes "susceptibles" d'avoir commis des "crimes de sang", "des achats d'armes" ou des "détournements d'argent". Ces enquêtes pourraient concerner notamment "les membres du gouvernement" de M. Gbagbo, mais aussi des journalistes de la Radio-télévision ivoirienne (RTI), qui a été un puissant intrument de propagande du pouvoir en place de 2000 à 2011, a-t-il précisé.

RÉOUVERTURE DES ADMINISTRATIONS LUNDI



Sur le terrain, à Abidjan, le nouveau pouvoir reprend en main progressivement une situation chaotique, misant sur une réouverture imminente de l'administration. Les fonctionnaires qui avaient cessé de travailler en raison des violences sont appelés à reprendre "impérativement" le travail lundi. La TCI a ajouté que la rentrée des classes était prévue le 26 avril. Le couvre-feu a été allégé à partir de samedi et s'appliquera jusqu'à lundi de 22 heures à 6 heures, au lieu de 18 heures à 6 heures actuellement. Dans les rues d'Abidjan, la sécurité s'améliorait petit à petit malgré le désordre et les pillages persistant dans certains secteurs.

Autre signe d'un progressif retour à la normale : le camp militaire français de Port-Bouët, dans le sud d'Abidjan, a cessé vendredi soir d'être une base d'accueil pour les personnes évacuées lors des combats.
Au total quelque 5 000 personnes, pour moitié des Français, avaient rejoint le camp, dont quelque 3 300 ont quitté le territoire ivoirien, selon la force française Licorne.

La Gambie, petit pays d'Afrique de l'Ouest, a déclaré ne pas reconnaître M. Ouattara et affirmé que M. Gbagbo demeurait "le président légitime". A Paris, plusieurs milliers d'Ivoiriens, et à Londres, environ 200, ont manifesté pour célébrer la victoire d'Alassane Ouattara et remercier la France et l'ONU pour leur rôle.