dimanche 10 avril 2011

Pourquoi les véhicules polluants sont encore loin d'être bannis des centres-villes

Pourquoi les véhicules polluants sont encore loin d'être bannis des centres-villes

Chaque commune pourra ajuster le dispositif à sa guise.
Mercredi 6 avril, l'annonce de la liste des véhicules polluants qui pourraient être concernés par une interdiction de circuler dans le centre de certaines grandes villes a suscité une vague de réactions contradictoires. Certains saluaient une mesure courageuse quand d'autres y voyaient une façon de bannir les moins fortunés, qui n'ont pas les moyens d'investir dans une voiture propre, du centre des agglomérations.

L'annonce peut impressionner : dans son édition du mercredi 6 avril, Le Parisien étalait sur une double page la liste de "ces véhicules bientôt bannis des centres-villes". Au total, plus de 10 millions d'engins pourraient être concernés, soit plus d'un quart des voitures particulières du parc automobile français, 40 % des deux roues et près d'un poids lourd sur deux.

Les véhicules les plus anciens, dont les moteurs n'ont pas été conçus pour limiter les émissions de particules fines et d'oxydes d'azote, sont dans le viseur de la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Les gaz rejetés par ces engins sont entre autres responsables d'asthme, d'allergies, de maladies respiratoires ou cardio-vasculaires. De quoi en faire "un enjeu de santé publique", pour la ministre.

Mais la mise en place des fameuses Zones d'actions prioritaires pour l'air (ZAPA) dans les centres de grandes villes ne devrait pas immédiatement impliquer une expulsion massive des vieux tacots.


UN CHIFFRE SURÉVALUÉ ?

Les 8 millions de voitures particulières dont la première immatriculation remonte avant le 1er octobre 1997 ne vont pas subitement disparaître des rues des centres-villes. La note explicative du ministère de l'écologie sur cette question (document PDF) précise en effet que "les communes ou groupements de communes, accompagnés dans leur démarche par l’Etat, définiront les modalités et les conditions d’accès à la zone en fonction du contexte local".

En pratique, chaque ville ou communauté d'agglomération devra choisir la localisation, le type de véhicule, voire la période durant laquelle s'appliquera la ZAPA. "Une agglomération peut très bien décider de ne se concentrer que sur les poids lourds, ou y ajouter les véhicules utilitaires...", expliquait mercredi Nathalie Kosciusko-Morizet.

L'agglomération de Bordeaux, candidate à l'expérimentation, ne sait pas encore quelle forme prendra sa ZAPA. Mais Michel Duchène, adjoint d'Alain Juppé à la mairie de Bordeaux chargé de la circulation et du stationnement, indique déjà qu'il ne s'agira pas de "stigmatiser la voiture". En effet, de nombreux ménages ne peuvent pas s'offrir de véhicule récent, faute de budget. "Mettre en place une ZAPA n'implique pas d'exclure une partie de la population du centre-ville ou des quartiers", continue l'élu.

Le chiffre de 10 millions de véhicules polluants concernés par le dispositif dépendra donc de la manière dont les villes décideront d'appliquer la réforme. Il faudra patienter quelques mois avant de voir si la tendance concerne essentiellement les poids lourds, où si les voitures individuelles sont également visées.


Les ZAPA visent à inciter à un mode de déplacement moins polluant.

"IL FAUT LAISSER LE TEMPS AUX HABITANTS DE S'ADAPTER"

Dans les collectivités concernées, on préfère calmer les inquiétudes. "Le ministère parle d'interdiction de circuler d'un certain type de voitures, mais nous n'en sommes pas encore là, explique Michel Duchène. Il faut d'abord mener des études [financées jusqu'à 70 % par l'Etat] qui nous permettront de savoir quelles zones sont les plus touchées par la pollution de l'air. Cela va prendre plusieurs mois."

Michel Reppelin, chargé de la mission développement durable à la communauté urbaine de Lyon, ne compte pas non plus aller trop vite : "Nous allons partir calmement. Nous ne sommes pas dans une démarche qui consisterait à sortir les bagnoles de la ville. Il va nous falloir étudier ce qui existe déjà à l'étranger, établir des scénarios, et surtout étudier les aspects sociétaux et économiques de ce type de décision. L'Etat est un peu stressé, sourit-il, mais chaque chose en son temps. On ne fait pas une révolution en un mois !"

Son collègue Jean-Louis Touraine, premier adjoint au maire de Lyon chargé des déplacements urbains et de la circulation, confirme à l'antenne de France Info : "On ne va pas demander aux gens de changer de véhicule du jour au lendemain. Au terme de l'année 2011, nous pourrons déterminer quelques grandes lignes, mais ces mesures ne seront appliquées que très progressivement entre 2012 et 2014. Il faut laisser le temps aux habitants de s'adapter".

LA DIFFICILE QUESTION DU RESPECT DE LA CONSIGNE

Reste enfin la question de l'application de cette décision. Une fois la ZAPA mise en place par les localités, comment s'assurer qu'une voiture qui circule en centre-ville est "propre"? Le projet d'arrêté (PDF) mis en ligne par le ministère de l'écologie évoque le retour d'une pastille à fixer sur le pare-brise indiquant l'ancienneté du véhicule, ce qui permettrait aux autorités d'identifier les contrevenants roulant à bord d'antiquités polluantes. Ceux-là écoperaient une amende de troisième classe, à hauteur de 65 €.

Autres solutions préconisées par le projet d'arrêté, le contrôle par la police du certificat d'immatriculation – ex-carte grise – afin de vérifier l'âge de l'engin, ou la vidéosurveillance qui permettrait des contrôles automatiques.

Mais une vieille 2CV, qui tomberait a priori sous le coup de l'application de la ZAPA, pourrait tout de même être exemptée de contravention. En effet, si son propriétaire l'équipe d'un "dispositif de post-traitement homologué par le ministère chargé des transports" et effectue une demande auprès de la collectivité locale où il réside, sa voiture pourra redevenir acceptée dans les rues du centre-ville.

Il ne sera donc pas simple de faire respecter ces mesures, si elles venaient à être adoptées après cette période d'expérimentation.