lundi 28 mars 2011

Le FN a gagné des voix au second tour, face à la gauche comme à la droite

Le FN a gagné des voix au second tour, face à la gauche comme à la droite

Marine Le Pen, à Lille, le 5 mars 2011

Le Front national a-t-il remporté une victoire ce dimanche 27 mars, lors du second tour des cantonales ? Une partie de la réponse tient dans sa progression en voix. Elle est réelle, malgré le faible nombre d'élus finalement obtenus par le parti de Marine Le Pen. Cette progression en voix confirme que désormais, le Front national peut bénéficier de réserves de voix entre les deux tours d'une élection. Et cela est vrai dans le cas des duels du FN face à la droite, mais aussi face à la gauche, souligne Jérôme Fourquet de l'IFOP.

Une forte progression en nombre de voix là où le FN s'est maintenu. Le score national annoncé pour le FN dimanche est trompeur... Ces 11,73 % des suffrages exprimées semblent montrer qu'il a reculé. Or c'est le contraire qui s'est produit.

Si l'on regarde les chiffres sur les 403 cantons où le FN était présent au second tour, on mesure la progression du Front national : il est passé de 620 000 voix au premier tour à 915 000, soit près de 50 % de progression. Certes, il avait atteint 1,38 million de voix au premier tour, mais sur un total bien plus important de 1 440 cantons.

Une hausse de 10 %, dans les duels face à la gauche, mais aussi face à la droite. Dans les duels FN-gauche, le FN gagné 10,6 points en moyenne entre les deux tours, a calculé Jérôme Fourquet : il est passé de 24,9 % des suffrages exprimés au premier tour, en moyenne, à 35,5 % au second tour, explique le sondeur au Monde.fr. Dans le détail, face au PS et aux divers gauche, la différence est de 10,5 points (de 25,1 % à 35,6 %). Dans les duels PCF-FN, la différence est de 11,1 points, un chiffre similaire, alors qu'on aurait pu croire cette configuration plus favorable au FN.

Dans les duels face à la droite, le FN a aussi gagné 10,5 points en moyenne entre les deux tours : il est passé de 26 % à 36,5 %. Cela est plus surprenant et montre que le parti de Marine Le Pen est "tout-terrain", estime Jérôme Fourquet.

Une capacité de mobilisation élargie. "Si le FN progresse en voix, cela montre clairement qu'il a bénéficié de reports de voix, explique au Monde.fr Frédéric Dabi, de l'IFOP. Or le FN est un parti sans alliés, qui, traditionnellement, ne réussissait pas à créer de dynamique d'entre-deux-tours. On voyait généralement le score du FN être contenu, voire reculer."

Certes, lors des cantonales 2004, le FN avait réussi également à gagner des voix quand il était en duel au second tour : + 10,3 points (de 19,9 % à 30,2 %) dans les 46 duels face à la gauche. Et 10 points de plus dans les duels face à la droite (de 20,5 % à 30,5 %).

"Mais en 2004, le nombre de duels était bien moindre, relativise Jérôme Fourquet. En 2011, le FN arrive à progresser alors qu'il y a des centaines de duels. En 2004, le score du FN se tassait au contraire d'un point entre les deux tours, dans le cas le plus répandu à l'époque, celui des 270 triangulaires." "Le FN part aussi de plus haut, 25 % environ contre 20 % en 2004", souligne le directeur adjoint du département opinion de l'IFOP, pour lequel cet indicateur souligne la capacité importante de mobilisation du FN.

La "porosité" avec l'électorat UMP, une tendance qui se confirme. Ces "nouveaux" électeurs qui ont rejoint le FN pour le second tour viennent de l'abstention, des autres partis mais aussi clairement de l'UMP, analyse Frédéric Dabi. "Il y a une porosité avec une partie de l'électorat de l'UMP. Pour beaucoup de ces derniers, comme le montre un sondage IFOP récent pour France-Soir, le FN est devenu un parti comme les autres."

Cette "porosité" a été soulignée par les études d'opinion depuis l'automne : environ un quart des sondés qui affirment avoir voté Sarkozy à la présidentielle de 2007 confient actuellement qu'ils voteraient aujourd'hui pour Marine Le Pen, soit plus de 7 % de l'électorat total.

Des électeurs FN de second tour venus de la gauche. Malgré un échec relatif sur le nombre d'élus, Marine Le Pen a vu dans ses scores du second tour des cantonales le signe d'"un vote d'adhésion" pour son parti et plus seulement d'un vote de protestation. Cela reste à prouver. Elle a aussi estimé que le "front républicain" avait volé en éclats. Frédéric Dabi confirme : "Il est clair que le front républicain ne fonctionne plus."

"Mais surtout, les chiffres montrent que la question des reports de voix vers le FN se pose aussi à gauche, alors que la semaine dernière, tout le monde a focalisé sur les consignes de vote à droite", estime Jérôme Fourquet. La progression d'entre-deux-tours et les niveaux des scores du FN sont quasi identiques dans les cas de duels face à la droite et face à la gauche. Mediapart a confirmé cette tendance sur les 39 cantons où le FN était arrivé en tête au premier tour.

Des gens de gauche qui votent FN ? La tendance est-elle nouvelle ? "On voyait déjà des transferts de gauche vers le FN dans les cantonales de 2004 mais il s'agissait de cantons particuliers, comme le Pas-de-Calais, précise Jérôme Fourquet. Peut-être concernaient-ils d'anciens communistes. Aujourd'hui, le spectre est beaucoup plus large. Le FN est un parti attrape-tout."